Les "cartons rouges" au tourisme Le réseau Campagnes d'action
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Les "cartons rouges" au tourisme



 
  PEROU: Quel avenir pour le Machu Picchu ?
 
Qui n'a jamais rêvé d'explorer la forteresse de l'une des dernières cités incas, si longtemps cachée des colons espagnols, et découverte il y a seulement un siècle ?

Au petit matin, la brume se lève sur ses temples, ses terrasses agricoles, ses escaliers en pierre... Tout est calme, serein, magique. Mais aujourd'hui comme tous les jours, près de 2 500 voyageurs vont déambuler sur son sol : presque un million de touristes par an foulent ses pentes abruptes.
Le Machu Picchu ne figure pas dans la Liste des biens en péril, établie par le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO. Il a pourtant bénéficié en 2008 et 2009 d'un mécanisme de suivi renforcé de l'UNESCO. Pourquoi ?
Parce que l'endroit est sujet aux glissements de terrain, parce que le sanctuaire a été conçu pour quelques milliers d'habitants aux pieds nus, et non pour une horde de visiteurs armés d'énormes chaussures de marche ! Ses pierres s'usent, ses escaliers s'affaissent... Sous la pression de l'UNESCO, les autorités péruviennes n'ont eu d'autre choix que d'en limiter l'accès, en instaurant des quotas de touristes autorisés chaque jour à pénétrer dans le site.

Les effets pervers du tourisme de masse sont particulièrement visibles dans la petite ville d'Aguas Calientes, où tout tourne autour du tourisme. Les seuls Péruviens qui habitent ici sont des employés travaillant sur le site.
Autre aberration : pour se rendre à Aguas Calientes depuis la Vallée Sacrée, une seule compagnie de train, privée, propose ses services à un tarif exagéré : les commerçants d'Aguas Calientes sont contraints d'acheter des denrées provenant exclusivement du train qu’ils paient au prix fort.

Mais le projet le plus inquiétant est de loin celui de l'aéroport international de Cusco. Le village de Chinchero, au cœur de la Vallée Sacrée, semble être le lieu privilégié par le gouvernement pour sa construction. Qui s'est déjà baladé dans ses champs surplombés de magnifiques montagnes, sentira sa gorge se serrer.
Voulu depuis plusieurs décennies, voté en 2001, le projet est entré dans une nouvelle phase avec la finalisation des études techniques, et le rachat des terres aux paysans de la zone. Les travaux commenceront en 2014. Ce projet a même été déclaré « priorité urgente nationale » par l'ancien président Alan Garcia.

L'impact esthétique ne sera pas désastreux sauf pour la vallée de Chinchero. Il est probable que la construction de l'aéroport implique une forte urbanisation entre Chinchero et Cusco, et dénature cruellement les paysages de la Vallée Sacrée.
Reste la question principale : le Machu Picchu est le principal motif de la visite des voyageurs qui se rendent à Cusco. Plus de 70% d'entre eux visiteront le sanctuaire. Ce dernier, on l'a vu, est déjà saturé, et ne peut accueillir plus d'un million de visiteurs par an. Or, selon les prévisions des porteurs du projet de l'aéroport, celui-ci drainera autour de dix millions de voyageurs par an !

Comment les autorités péruviennes envisagent-elles de réguler ce flux de visiteurs, pour limiter la pression touristique dans la Vallée Sacrée, en particulier autour du Machu Picchu ? Une politique adéquate de décongestion a-t-elle été pensée ? Rien n'est moins sûr. Il semble plutôt que l’intérêt économique prime sur celui du Patrimoine. Il ne reste qu’à nous, touristes, à nous « réguler » et accepter de ne pas prendre l’avion à l’intérieur du Pérou. Nous l’avons déjà pris pour venir jusqu’ici.